jeudi 7 avril 2011

interview by www.lemauvaiscoton.fr

"Le temps n’a qu’une réalité, celle de l’instant."

On l’avoue, on est plutôt content de vous parler de ce photographe de talent qu’est Simon Laveuve. A 22 ans, son sens de la mise en scène, sa passion pour l’argentique et l’authenticité de ses modèles rendent son travail touchant. Merci à lui d’avoir répondu à nos questions.

Quel est ton parcours ?

Simon LAVEUVE, 22 ans, photographe made in France. Je côtoie le monde de la photographie depuis plusieurs années maintenant. J’ai toujours eu beaucoup de choses a dire mais pas forcément le bon support pour les exprimer. Le jour ou j’ai réalisé l’impact que pouvait avoir une photographie dans notre société, j’ai décidé de devenir photographe. C’est important d’apprendre le métier, d’assister de bons photographes qui te transmettent le savoir-faire photographique, ses bases, sa construction et l’élaboration d’une image de A à Z. J’ai travaillé en studio, le meilleur moyen de comprendre, d’assimiler et visualiser la lumière. C’est à la suite de ces expériences que j’ai réalisé que la photographie deviendrait mon principal moyen d’expression. L’appel de la création étant trop fort, l’envie d’exposer mon propre univers et ma propre vision, c’est en 2007 que le site Streetsking est né.




Quelles sont tes influences ?

Mes parents pour mon éducation. Mathew Barney pour sa maîtrise de l’esthétique. Stanley Kubrick pour son parcours. Boogie pour sa puissance visuelle. David Fincher pour son action soutenue. Takeshi Kitano pour sa dure finesse. Rob Zombie pour son univers. George A. Romero pour son gore. Mais aussi Jim Jarmusch, Danny Boyle, Wim Delvoye, Nan Goldin, Alexandre Rodtchenko, George de La Tour, Gilles Peress, Weegee, Josef Koudelka, et tellement d’autres. L’image au sens large du terme. Le cinéma et la peinture. Ma femme et les anges de ma vie. J’aime la lumière mais d’autant plus la nuit. J’aime la rue et ses chiens loups. J’aime le destin et ses malheurs. J’aime l’esthétique et le contraste. L’alcool et les martyrs.


Qu’est-ce que tu aimes le plus dans ce que tu fais ?

J’aime le reportage pour ses rencontres inattendues, son échange continuel avec le monde, sa poésie et ses voyages furtifs. Sa narration qui donne libre court à notre imagination. En 2009, j’ai débuté « MADE IN STREET» série photographique argentique noir & blanc. Axée sur le portrait et sur le style de vie des personnes que je photographie. Un support traditionnel, pour un traitement artisanal. Je développe toutes mes photographies moi même, je fais également tous mes tirages à la main. De longues heures le nez dans la chimie, éclairé à la lumière rouge inactinite. J’aime également les natures mortes pour leur construction, leur âme et leur présence. Cette manière de figer les éléments entre eux, de les mettre en scène. Mélanger de manière subtile, provocation, référence à l’histoire et esthétisme. Assembler plusieurs éléments entre eux pour leur donner un sens, une interprétation, une puissance d’évocation. Un clin d’œil à la peinture qui avant la photographie, était l’art de représenter le réel. La série « DEAD STYLE» est née. Et pour finir, tout ce qui est portraits d’artistes, de groupes, de musiciens. C’est une collaboration visuelle pour le même souhait : représenter une culture, une façon de vivre et de penser. De voir et de saisir le monde qui nous entoure. Traduire ce que l’on est, ce que l’on vit, au travers d’une photographie, d’une chanson.


Quel est ton rapport à l’univers que tu représentes ?

Je suis le regard, l’envers du décors, celui de ce monde à part. Je suis un acteur observateur du monde dans lequel j’évolue. Je suis le témoignage, le souvenir d’une génération. Je montre ce que vois, j’éclaire les ombres, je pose la lumière là ou il n’y en a pas. L’art visuel permet de concilier l’acte de création et la réalité. J’aime confronter mon univers à la réalité. C’est important pour moi de témoigner de ce qui se passe autour de moi au niveau politique, social et culturel. La photo permet cela. Et c’est le travail photographique en lui-même, dans lequel je m’implique en tant qu’artiste qui traduit ma démarche plastique.

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Quels sont les lieux ou tu photographies ?

Depuis mon enfance, j’aime parcourir, explorer l’environnement où je me trouve. Ce qui m’a permis de connaître bon nombres de lieux cachés, de recoins, de ruelles, d’usines… A la recherche d’ambiances, de lieux insolites et atypiques. Dans mes photographies, je me tourne toujours vers mon environnement, vers la rue. Quand j’ai une envie pour un portrait ou pour un shooting, j’ai en mémoire des lieux, des décors, des ambiances. Ce qui me permet de ne pas perdre de temps à les chercher. Très pratique pour les groupes de musique par exemple, ou le timing pour certains est très serré. Je photographie dans les lieux où je me trouve, que je fréquente, où je vis. J’ai pris l’habitude d’un regard inquisiteur, quel que soit l’endroit où je me trouve.

On a remarqué chez toi l’effort de montrer des personnalités, tu peux nous en dire un peu plus ?

Je cherche à photographier avant tous des acteurs, des activistes. Des personnes qui font le choix de vivre autrement. D’avoir un style de vie en accord avec leur culture et leur univers. J’aime la diversité des cultures et les liens qui les unissent. Je photographie des gens que je côtoie, ou que je croise dans les lieux que je fréquente. Pour beaucoup, ils sont des groupes de musiques, ou des associations / magazines / fanzines culturels, ou encore des labels indépendants. Ce qui est intéressant c’est de témoigner, de montrer qu’il y a une alternative, une résistance. Je ne cherche pas a reproduire les clichés qui envahissent nos esprits et nos espaces. Je cherche la beauté là ou certains ne la verraient sûrement pas. Rien n’est jamais perdu d’avance, mes photographies sont un hymne à l’insurrection.


La musique semble nourrir largement ton travail. Qu’écoutes-tu comme musique ?

Je n’ai pas un style de musique définie. J’écoute avant tout de la musique qui me procure des émotions et des sensations. De la musique qui m’inspire et qui me représente. J’écoute du punk rock / street punk, comme les copains de Maraboots ou les Street Kids, pour les actuels. Sinon j’aime énormément le groupe Camera Silens. J’aime beaucoup le rap également, le rap sombre, Horrorcore, ou Devil shyt. J’affectionne particulièrement des artistes comme mon ami Scareone, pour qui j’ai d’ailleurs réalisé le clip Antipodes Lyriques, ou encore VII et Young Thug. De l’underground Français aux lyrics aiguisées. J’apprécie la Dark Wave, Batcave, Witch House, Minimale,… Citer des groupes serait bien trop long, mais j’invite à découvrir ces styles bien trop méconnus. Des ambiances et des univers hors du commun.


Quel matos utilises-tu ?

Depuis 2009 pour mon travail personnel, j’utilise essentiellement des caméras argentiques, très peu de numérique. L’appareil que j’utilise était à mon grand père, puis à mon père, maintenant il est mien. Je préfère être le moins chargé possible, rester libre de mes mouvements. Je travaille sans flash, sans lumière artificielle. J’aime la beauté de l’acte, supprimer le superflus, ne garder que le plus important. Et pour moi c’est l’envie de faire une photographie qui compte. Pas le matériel ou les moyens mis en œuvre pour y parvenir.
Pour mon travail professionnel, je m’adapte à la demande, elle est majoritairement axée vers le numérique, pour des questions de budget mais surtout de temps.

Sur quoi travailles-tu actuellement ?

Je travaille beaucoup avec l’édition, sur de nombreux projets de livres. Je réalise également des clips de musiques, des pochettes d’albums, des portraits d’artistes. Je continue jour après jour mes séries « MADE IN STREET» et « DEAD STYLE» . Deux façon de voir et traduire le monde qui me tiennent à cœur. Je prépare également des courts métrages, qui vont s’inscrire dans la continuité de mes photographies. Ils refléteront notre génération, notre présent, notre quête de l’avenir et nos questions sur le futur. Je prépare aussi de nouvelles séries photographiques mais pour en savoir plus, il faut suivre mon blog.

Quels sont tes projets à venir ?

L’envie de continuer de créer, tout simplement, l’envie de faire voyager. De montrer quelque chose de différent, d’exposer mon propre univers. Ma façon de penser, d’entrevoir et de vivre. La création est un moyen de survie, d’extérioriser ce que l’on ressent ou ce que l’on voit. Montrer à ceux qui observent mes images des choses qu’ils ne voient pas forcément dans la vie de tous les jours. Leur montrer ce qu’il ne veulent peut-être pas voir. Prendre la relève, honorer les photographes qui m’ont formé. Et tout simplement l’envie de faire une photographie, d’avoir un souvenir, de témoigner. Mon travail participe à la mémoire collective. La photographie ne se vit pas au futur, mais au présent. Le temps n’a qu’une réalité, celle de l’instant.

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